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Mâchoire de requin (chronique)

Découvrez la chronique de Sophie Gertsch.
Sophie Gertsch

Ma fille a bientôt huit ans. Elle a un joli nez en trompette, de ravissantes boucles et des yeux qui pétillent. S’il fallait parler de son caractère, on dirait qu’elle est imaginative comme personne, mais ô combien inquiète. Elle s’inquiète pour son emploi du temps, de savoir si j’ai fermé la voiture à clé,de faire un bout de chemin seule pour aller à l’école…
Aussi, vous n’imaginez pas ma surprise lorsque, l’autre jour, ma jolie frisée me regarde dans les yeux et me déclare: «Maman, il faut que tu prennes rendez-vous chez le dentiste pour qu’il enlève mes dents de lait». Sa jolie bouche arbore en effet deux rangées de dents au niveau de sa mâchoire inférieure, car ses dents de lait refusent de céder leur place aux dents «d’adulte». Une vraie mâchoire de requin. Or, visiblement, ma fille a décidé de grandir! Devant son air décidé, j’honore sa demande, persuadée qu’elle va se rétracter…
Eh bien non! Quelques jours plus tard, sur le fauteuil de l’arracheur de dents, ma fille n’affiche pas l’ombre d’une angoisse, jusqu’à ce qu’elle réalise qu’elle n’échappera pas à la piqûre. «C’est pour que tu n’aies pas mal qu’on va te faire un petit peu mal», lui explique l’assistante. Ma puce affiche un regard horrifié, je vois les larmes monter dans ses yeux, la panique l’envahir. Je me sens soudain si impuissante. Mais c’est là que tout se joue. Entre deux sanglots elle me dit: «Maman, tu peux prier pour que ça se passe bien?». Je regarde le dentiste, un peu gênée, puis m’approche doucement de son oreille pour lui murmurer une prière. Elle pleure toujours, mais ne lutte plus. Elle sait désormais que lorsqu’elle grandit, quelle que soit l’épreuve, elle n’est plus seule. 

Sophie Gertsch

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