Alain Auderset, les confidences d’un fils, d’un mari et d’un père
A quel besoin répond ce nouveau livre autobiographique parcourant vos quinze premières années?
J’avais besoin de raconter les belles histoires qui m’étaient arrivées et que je n’avais pas encore confiées depuis vingt ans. J’en dis ici beaucoup plus que dans mes précédents livres. J’ai trouvé le temps de l’écrire pendant le confinement. J’espère que plusieurs se reconnaîtront dans mon vécu et accepteront de faire un bout de chemin avec moi. Ce livre parlera à tous ceux qui, comme moi, ont connu les fonds de classe.
Vous posez le décor en interrogeant vos origines mais est-ce en fait une quête existentielle que vous poursuivez, touchant vos émotions les plus profondes?
C’est un peu ça. Il y a du lyrisme, de la poésie, des impressions, c’est tout ça à la fois. Dans ce livre, je ne me contente pas de décrire des faits. Je livre mes émotions. Je me dévoile, mais c’est un cadeau que je fais aux lecteurs. J’aime les aider dans leurs expériences tout en restant authentique et en même temps j’amène les choses autrement pour divertir le lecteur. C’est grâce au regard de l’adulte que je suis aujourd’hui que je revisite les événements avec sagesse, pour mieux comprendre ce qui m’échappait autrefois. Je recherchais un sens à ma vie, mais c’était inconscient, dit le vieux qui fait l’analyse! (Rires).
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Votre livre est un plaidoyer pour la parole de l’enfant là où vous vous sentiez invisible et laissé pour compte. Ce livre vient-il apaiser l’enfant que vous étiez?
Oui et peut-être que mes lecteurs adultes se verront autrement et se sentiront compris. Ils se rendront compte par exemple qu’en jouant, ils cherchaient l’attention des plus grands. J’ai mis des mots sur des choses du quotidien pour ouvrir l’âme de beaucoup d’entre nous. Une manière d’espérer et de donner quelques clés de compréhension aux couples aussi qui ne se comprennent pas. On peut y voir une réconciliation avec soi-même. Je me souviens de cette prof qui me disait: «T’es trop nul, tu n’arriveras jamais à rien dans la vie.» Ces paroles dures, j’y croyais parfois. J’étais simplement différent. C’est peut-être une revanche ou une consolation aujourd’hui. Mon histoire n’est pas plus intéressante qu’une autre, mais elle aide d’autres à se réconcilier avec eux-mêmes ou avec leurs enfants.
Vous convoquez votre figure paternelle à de nombreuses reprises et soulignez le temps passé avec lui. Vous écrivez: «Maintenant au moins, il sent l’humain».
Mon père ne savait pas bien exprimer ses émotions, à qui les partager et encore moins les accueillir quand elles venaient de ses proches. J’ai dû réapprendre, grâce à ma foi, ce qu’était un papa pour moi. Mon père a vécu à la dure. Il nous aimait, mais lui-même étant orphelin, il n’a pas su exprimer son amour avec des mots. Son affection m’a manqué mais je n’ai pas reproduit ce que j’ai vécu. C’est ma rencontre avec Dieu qui m’a aidé à guérir.
Vous remerciez vos parents, malgré les embûches…
C’est clair que je voyais mon père se battre pour maintenir son commerce à flot. Il bossait comme un fou, il persévérait. Ma mère le soutenait, c’était beau comme modèle. Mon but n’était pas de les mettre en valeur, mais de partager les belles choses, malgré la difficulté.
Il y a quelques années, vous montiez le spectacle «Papa Show». Vous êtes papa de quatre enfants adultes. Qu’avez-vous appris à travers votre paternité?
Mes enfants sont devenus mes meilleurs amis. C’est un cadeau. J’ai vraiment bien aimé vivre ce rôle de père. Très tôt j’ai compris que c’était mon engagement le plus important, avant celui d’être un artiste. Sur quatre enfants, trois travaillent avec moi. On fait les choses ensemble et c’est vraiment sympa. Tout le monde ne travaillerait pas avec son père. Je m’intéresse à ce qu’ils font et j’apprends beaucoup à leurs côtés. Je suis assez proche d’eux mais je ne les préserve pas de tout, non pas pour les inquiéter mais pour qu’ils vivent la foi avec moi. Je ne fais pas semblant.
La pandémie a bousculé les repères et organisations familiales. Comment encouragez-vous les hommes à vivre leur paternité?
Prendre ses responsabilités est une manière de soutenir son épouse, sans lui laisser le mauvais rôle. Si l’homme prenait soin d’elle, ils n’auraient pas besoin de «se prendre le chou». Le confinement a sans doute accentué les tensions et incompréhensions déjà présentes. C’est toucher le problème de la non-communication dans le couple. C’est dommage, des tensions ne sont parfois que des malentendus. Le plus beau cadeau que des parents peuvent laisser à leurs enfants, c’est la communication. Quand les parents amoureux vont bien et communiquent ensemble, cela rassure les enfants.
Le plus beau cadeau que des parents peuvent laisser à leurs enfants,
c’est la communication.
Cette saison particulière a-t-elle enrichi votre couple?
Parfois il m’est arrivé de rentrer à la maison après plusieurs heures d’écriture en étant émotionnellement épuisé. Du coup, ma femme était là. Elle a fait preuve d’empathie et m’a encouragé. Cela nous a rapprochés. Ma femme est artiste elle aussi. Elle qui, d’habitude a trente-six mille activités - concerts, répétitions, cours, etc. - était beaucoup plus disponible et j’ai bien aimé. On a passé plus de temps ensemble. J’ai presque regretté que cela s’arrête, mais j’ai appris à aimer le moment présent.
Un dernier mot?
Il est important de s’investir auprès de nos proches: c’est notre premier engagement. Il s’agit d’aimer vraiment son conjoint et ses enfants. La cellule familiale est la plus importante. C’est ainsi que fonctionne le corps humain: la cellule et puis le reste après. Les arbres eux-mêmes le font sous les racines, ils nourrissent leurs propres enfants pour qu’ils aient leur force. C’est extraordinaire, même les végétaux nous l’enseignent.
Article tiré du numéro Family 1/21 Février – Avril 2021
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