La question qui tue…
Décider d’avoir des enfants, c’est être un peu inconscient. On ne se doute absolument pas de ce qui peut nous attendre. On lit tout Françoise Dolto, pour ne pas traumatiser le petit être qui est en train de se construire, là, dans notre ventre, mais surtout pour éviter de répéter les erreurs innombrables que nos parents ont commises et qui ont fait de nous l’être faillible et plein de carences que nous sommes devenu.
Sauf que Françoise Dolto ne m’a jamais dit que l’un de mes enfants aurait son agenda noirci de remarques en tous genres; qu’un autre allait se faire virer de son école; que l’un d’entre eux serait dyslexique; que l’autre aurait quelques cultures en pot dans sa chambre, ni que les flics me réveilleraient une nuit à deux heures du matin. Pourtant, j’ai essayé de mettre tous ses conseils en pratique. Je ne sais pas à quel moment le petit gravier est venu se glisser dans le rouage, mais il est là depuis un bon moment. Le problème, c’est qu’on n’est pas prévenu. Moi, quand j’étais ado, j’étais sage, trop sage peut-être. Ce qui fait qu’on se retrouve à constamment devoir improviser.
L’autre jour, mon fils a passé son permis. Très heureux pour lui, nous l’avons dûment félicité et avons fait une fête en bonne et due forme. Et c’est à ce moment que le ciel s’est abattu sur notre tête: «LA» question a surgi, celle à laquelle nous aurions dû nous préparer. Sauf que, occupés que nous étions à improviser des solutions à tous les problèmes auxquels Françoise Dolto ne nous avait pas préparés, nous n’avions pas réfléchi à notre position sur ce sujet: «Papa, maman, je peux avoir la voiture ce soir?». Regard désabusé entre mon mari et moi: mince, le permis ça implique ça aussi! C’est dans ces moments de détresse ultime que l’on sent si un couple tient encore la route. En un seul regard, nous avons réussi à nous mettre d’accord. Nous avons, en un mouvement parfaitement chorégraphié, tourné tous deux la tête vers le jeune insolent, lui répondant à l’unisson d’un ton très assuré: «Euh…»
Myriam Demierre est comédienne, auteur des one-woman-shows «L’école des mères» et «O temps des mères»
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Article tiré du numéro Family, 4/2014
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