Les seniors font-ils encore l’amour?
Y a-t-il un âge à partir duquel «faire l’amour, ça ne se fait plus»? En d’autres termes, la sexualité est-elle uniquement une affaire de jeunes? Le sociologue Serge Guérin, co-auteur de La guerre des générations aura-t-elle lieu? (éd. Calmann-Lévy), affirme haut et fort: «Non!»
Trois tabous à dépasser
Ce spécialiste des personnes âgées côtoie nombre de couples séniors qui continuent à vivre une sexualité les années passant. Il leur a pourtant fallu dépasser trois représentations socio-culturelles, de l’ordre du «tabou», qui ont structuré la société pendant longtemps. Tout d’abord, «on a pendant longtemps associé sexualité et reproduction, or il est évident qu’à partir d’un certain âge, on ne peut plus procréer», analyse Serge Guérin. Les couples s’interdisaient donc d’eux-mêmes de poursuivre leur intimité sexuelle après la ménopause de madame.
«La deuxième représentation est celle des corps vieillissants qui ne seraient plus beaux, et donc plus désirables», poursuit le sociologue, «on pensait que des corps nus, enlacés et âgés seraient scandaleux.» Enfin, beaucoup partent du principe qu’à partir d’un certain âge, nous n’avons plus ni le désir ni la capacité physique de faire l’amour, ce qui ne se vérifie pas tout à fait aujourd’hui. Car sur ces trois points, la société évolue beaucoup.
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une sexualité libérée
La sexualité hors procréation est relativement bien acceptée de nos jours et ne devrait donc plus freiner les couples âgés dans leurs élans l’un vers l’autre. Certaines femmes témoignent même que la ménopause les «libère». Délivrées de la crainte de tomber enceinte, elles peuvent se concentrer d’autant plus sur leur plaisir partagé avec leur conjoint.
Abandon des normes de beauté
Ensuite, «la question de l’esthétique devient toute relative». La vieillesse est, selon Serge Guérin, un moment où l’on a enfin «accepté son propre corps et le corps de l’autre. De même que l’on a fait le deuil du prince charmant et de la princesse parfaite, on a fait le deuil des normes de ce que les corps devraient être.»
Dans cette acceptation d’eux-mêmes, les couples plus âgés trouveraient ainsi une «sérénité» et une prise de distance vis-à-vis d’une sexualité vécue du temps de leur jeunesse sous le régime de la performance. Ainsi, les amoureux plus mûrs vivraient plus de tendresse, des moments plus forts dans la confiance qu’ils se font l’un à l’autre, avec davantage de caresses et de douceur.
vieillir, une bonne nouvelle
Concernant la relation de chaque membre du couple à son propre corps, les années plus mûres sont en fin de compte une bonne nouvelle, surtout pour ceux qui n’aimaient pas leur apparence physique pendant leur jeunesse. Certains avaient tendance à se comparer à d’autres, plus beaux ou plus sexy et se freinaient donc ainsi eux-mêmes dans leur propre sexualité à cause de ces complexes.
Avec l’âge, ce problème tend à s’estomper. Serge Guérin parle d’une «démocratisation normative» à partir de cinquante ans. En effet les anciens sex-symbols finissent par ressembler à tout le monde en fin de compte. Dégagés de cette pression esthétique, les couples seraient plus libres de laisser s’exprimer leur affection physique l’un envers l’autre.
Marie Lefebvre-Billiez