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La téléréalité vend un bonheur à deux faussé

© Istockphoto
Elles véhiculent une vision du couple faussée par les contraintes de l’instantané et les possibilités du montage. Pourtant, les émissions de téléréalité font fureur. Pour quel impact sur les téléspectateurs?

La téléréalité fait partie du paysage télévisuel, y compris au niveau conjugal. Entre autres, dans L’amour est dans le pré, elle devient «entremetteuse» pour des paysans esseulés. «Mariés au premier regard» fait convoler de parfaits inconnus «grâce à la science». Dans «Quatre mariages et une lune de miel», la fête des noces la plus cotée offre un voyage de noces prépayé. Ces productions placent de fait des anonymes dans des situations montées en épingle par un montage en épisodes et des interviews recueillies à chaud, en «face caméra», visant à mieux impliquer les téléspectateurs.

Un succès commercial, un désastre humain

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Et ça cartonne! En 2019, la téléréalité rafle la mise, elle qui combine coûts réduits et vrais jackpots (publicité, sms surtaxés, crédits de «création originale»). Sur petit écran, elle fait le tiers du volume de la fiction, les trois-quarts du documentaire, un tiers de plus que l’information, le double du cinéma, dix fois le sport et sur autres écrans, 95% des vues. Mais quel est son impact réel?

Pour le couple, la téléréalité cible deux enjeux angoissants: l’élection amoureuse et le bonheur à deux. Trouver «la» bonne personne et se lancer au mieux (en concoctant «la» fête puis le voyage parfaits) serait là décisif. Toutefois, le devenir des field-dating fluctue vraiment. Pire encore, 84% des «mariés au premier regard» français divorcent, la légalité de leur union arrangée est douteuse. Et les scènes entre mariées rivales gâchent immanquablement le «plus beau jour de leur vie»!

Marketing matrimonial

Jadis, on savait arranger et célébrer bellement des noces. De nos jours, c’est un duo amoureux qui y met cœur et moyens. Mais attention, «la téléréalité flatte la dimension “spéculaire”, donc l’effet miroir et le “design du soi”», avance la publiciste Léa Bert. «Son marketing matrimonial vise à capter le temps cérébral disponible», précise Antoine, étudiant en communication. Prétexte à rire et à commérages distrayants, ce genre, selon certaines études, en leur donnant la simple impression de pouvoir solder des déboires, accéder à des relations proches et renforcer son identité, aggraverait hélas les failles et les doutes des plus fragiles.

En contexte de conte de fées revu par les marques, la téléréalité occulte le long terme et les traversées des crises. Si le mythe amoureux ressource le couple, se complaire dans la romance, se centrer sur l’image, l’instantané, coupe du réel. Une bonne nouvelle: des méthodes et processus soutiennent le développement durable du couple. Moins glamour que la télé/irréalité, ce dernier se fait tout à fait possible!

Sylvie Barth, dans Le développement durable du couple (éd. Cerf).

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