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Les apports du père dans les premières années de l’enfance

© Alliance Presse
Philosophe, coach et thérapeute, auteur de «Nos enfants sont des merveilles», Denis Marquet (éd. Nil) évoque l’importance du père à chaque étape du développement de l’enfant, d’un point de vue essentiellement psychologique. Interview. Découvrez sur ce site les autres articles de notre dossier consacré aux pères.
Sandrine Roulet

La mère est en symbiose avec son nouveau-né, c’est elle qui allaite. De quels «moyens» dispose le père pour entrer en contact avec son nouveau-né?
Dès le ventre maternel et plus encore après sa naissance, l’enfant est curieux du père. Sa voix et son toucher symbolisent pour l’enfant un au-delà de la sphère maternelle qui est aussi l’objet de son désir. C’est ce désir qu’a l’enfant de lui qui donne au père sa place. Et chaque interaction du père avec le nourrisson répond à son désir profond qui, plus tard, sera son élan vers le monde. Le père n’a donc pas à chercher de «moyens» spécifiques. Lorsque c’est lui qui nourrit, change son bébé, lui parle ou joue avec lui, le sens de ces interactions est, pour l’enfant, différent de celui qu’il revêt avec la mère. En outre, le premier besoin d’un enfant est que l’on se réjouisse de lui; si la mère allaite, le père a plus de latitude pour offrir cela au tout-petit.

Pourquoi son rôle est-il important dans la séparation mère-enfant?
L’enfant, lorsqu’il a été suffisamment sécurisé par la maternance, désire quitter la fusion pour se différencier. C’est précisément en tant que tel qu’il est destinataire et garant du désir de l’enfant que le père lui permet de franchir cette étape dans le plaisir plutôt qu’en la subissant. Le rôle du père est de faire sentir à l’enfant qu’il a plus à gagner dans la nouvelle manière d’être qu’il ne perd en quittant l’ancienne.
Comment tenir ce rôle? Tout simplement, en désirant soi-même voir l’enfant se transformer et vivre avec lui des modes de relations nouveaux: l’accompagner dans ses découvertes sensorielles, jouer avec lui, lui parler et l’écouter, lui proposer des expériences inédites… Sentir son père dans le désir du nouveau permet à l’enfant d’aller joyeusement vers le nouveau.

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De manière générale, qu’apporte-t-il de différent de la mère?
Le père apporte tout simplement à l’enfant le fait qu’il est un autre que la mère. Parce que le vrai désir de l’être humain a toujours pour objet l’altérité, le père offre à l’enfant un objet et un appui pour sa dimension désirante. C’est pourquoi, même si le père est absent ou défaillant, l’enfant cherchera toujours la fonction paternelle partout où il pourra la trouver; c’est-à-dire une dimension d’altérité qui, en nourrissant son élan de vie, lui permet d’être en mouvement, d’aller vers le monde. Ce que le père apporte de différent de la mère, c’est la différence elle-même. C’est grâce à elle qu’après le stade de la fusion, l’enfant pourra ressentir le désir d’être en relation à sa mère comme à un autre distinct.

A l’adolescence, comment aide-t-il sa fille à trouver son identité? Et son garçon?
Comme une plante produit naturellement sa fleur, un enfant trouve son identité si on l’autorise et l’encourage à exprimer l’être unique qu’il est. Cela suppose de ne pas le charger de projections ni d’attentes personnelles. A l’adolescence, le défi d’être soi est redoublé par la nécessité de s’intégrer au monde. Plus que jamais, l’adolescent a besoin de parents qui désirent voir se manifester l’être unique qu’il est.
Une adolescente a en outre besoin d’un père qui, sans nier sa propre masculinité mais dans un parfait respect de sa place de père, voit se développer la féminité de sa fille dans tous ses aspects avec bienveillance. Quant au garçon, il peut avoir besoin de faire grandir sa force par la confrontation avec celle du père. Tout en maintenant l’exigence de respect, il est important de l’accepter.

Quelles sont les répercussions sur le développement de l’enfant lorsque le père est absent?
Dans l’idéal, la mère apporte à l’enfant l’accueil inconditionnel: «Qui que tu sois, je t’accueille». Quant au père, il lui offre le désir inconditionnel: «Qui que tu sois, deviens-le!». Il y a donc dans la fonction paternelle une exigence, celle que l’enfant offre au monde l’être unique qu’il est. C’est ce désir inconditionnel qui rend pour l’enfant l’autorité légitime, acceptable et même désirable. Lorsque le père est absent, la fonction paternelle peut être tenue par des substituts; la mère elle-même, des figures masculines… Si cette fonction paternelle n’est pas du tout reçue, le risque est que l’enfant perde le lien avec l’être unique qu’il est et/ou ne se sente pas désiré par le monde. Cela peut entraîner une grande colère ou une dépression fondée sur une perte du sens de sa vie.

Propos recueillis par Sandrine Roulet

Dossier: Pères
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