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Le couple durable, idée chrétienne?

Sylvie Barth
La thèse de Sylvie Barth, théologienne et permanente de Fondacio a été publiée aux éditions Cerf. Entretien.
Christian Willi

Quelle a été votre plus grande découverte, en matière de développement durable du couple?

J’ai été surprise de découvrir les différentes formes d’unions conjugales dans l’histoire occidentale. Le mariage, tel que nous le connaissons aujourd’hui, est une invention assez tardive. Longtemps, la forme des unions différait selon les classes sociales et les lieux. La liberté que prennent nos concitoyens n’est pas si innovante que cela. Elle reflète la nécessité ressentie de définir le type d’union dont on a besoin socialement. En 1563, un concile de l’Eglise catholique unifie les modalités du mariage. L’institution, qui avait comme une délégation d’Etat civil, en a affirmé la dimension spirituelle, liturgique. Pour les protestants, notamment, l’idée même que le mariage doive alors être célébré durant une eucharistie était difficile à accepter.

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Ma seconde découverte concerne l’alliance liée à des choix communs. J’ai mesuré tout l’enjeu de la sortie du modèle patriarcal. Une certaine compréhension chrétienne peut occulter des aspirations porteuses. Aujourd’hui, on se choisit sur la base de l’amour, on perpétue le couple pour vivre un amour de partenariat. Le dialogue permet de travailler un projet conjugal et éducatif qui fait grandir ensemble.

Le mariage chrétien peut-il redevenir un modèle de développement durable?

Nous assistons à une prise de conscience des effets de la consommation, avec son cortège de déchets. Et nous voyons émerger des perspectives conjugales où durer, c’est renoncer à s’exploiter l’un l’autre! Le défi, c’est de comprendre que dans le couple durable, il y a à la fois une dimension de stabilité et de déploiement des relations. Et cette relation de couple basée sur un amour choisi, respectueux, tricote le désir de l’autre, l’amitié et aussi l’agapé, qui fait passer l’autre avant soi. Cela ne peut pas être que de l’amitié, sinon il manque l’aspect du couple. Ni seulement du désir amoureux, car ce dernier peut varier, voire pousser l’un à ne considérer l’autre que comme objet. Se dévouer toujours à sens unique, c’est se détruire, à force. Je crois que l’intelligence profonde du mariage chrétien est de comprendre pourquoi on a été créé. La Bible nous en montre la voie. Dieu propose sa relation à l’homme telle un lien amoureux. Il ne s’impose pas. Le mariage chrétien n’est pas la reproduction d’un modèle social qui a fonctionné pendant des siècles. Longtemps, on ne choisissait pas son conjoint. Or c’est souvent blessant d’avoir des relations sexuelles obligées, une vie durant, sans attachement amoureux profond.

Comment conjuguer engagement durable et mariage d’amour?

On sait désormais comment se construit une relation d’amour durable et ce qu’il y faut. Ce ne sont pas seulement des exigences extérieures ou une sagesse de résignation. Non, il y a des méthodes de dialogue, des accompagnements possibles, des façons de se déployer ensemble. Il existe des ressources – pas seulement celles que l’Eglise apporte, mais venant aussi de psychologues, de spécialistes de la co-construction de projets (ou co-développement). Certes, la prière et la relation avec Dieu nous situent différemment, notamment face à la réalité qu’il n’existe pas de couple idéal. Mais croire en Dieu ne fait pas tout. Dieu ne change pas les couches à notre place! Il y a une part qui nous incombe. Cela nécessite une certaine discipline.

La chrétienté valorise le oui libre des époux. Avec quelles implications pour le couple actuel?

L’amour se choisit régulièrement, à l’exemple du «oui» à une relation sexuelle. Avec la notion de viol conjugal, on a avancé face au droit canonique de 1917 qui donnait «le droit au corps de l’autre». Le vrai oui est une conduite d’engagement lié à une décision. Le ressenti ne fait pas tout, mais il compte. C’est là l’enjeu: je choisis d’aimer, l’autre peut compter sur moi, sans qu’on se marche dessus.
On accepte de faire avec, on croit que c’est possible et on s’en donne les moyens.

Dossier: Spiritualité
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