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#Abus : «J’ai voulu rendre à l’enfant le pouvoir sur son corps»

© Istock
Face aux violences sexuelles et à l'inceste, le message de la sexologue canadienne Jocelyne Robert est très clair : "Te laisse pas faire! Les agressions et les abus sexuels expliqués aux enfants." C'est le titre de son dernier livre réactualisé et toujours d'actualité. Interview.
Sandrine Roulet

Face aux violences sexuelles et à l’inceste, le message de la sexologue canadienne Jocelyne Robert est très clair : « Te laisse pas faire! Les agressions et les abus sexuels expliqués aux enfants. » C’est le titre de son dernier livre réactualisé et toujours d’actualité. Interview.

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«Les enfants ne devraient pas être sensibilisés à l’exploitation sexuelle sans avoir été préalablement informés des faits sexuels épanouissants et respectueux», écrivez-vous en préambule. Par où commencer l’éducation dans ce domaine?
L’éducation doit se faire le plus simplement possible. Quand l’enfant acquiert le langage, on peut lui apprendre à nommer ses organes génitaux, puis répondre à ses questions. Il doit retenir que la sexualité, c’est beau et bon, mais pas dans n’importe quelles conditions: certains actes sont inacceptables. Une erreur à éviter est de toujours associer la sexualité avec l’amour : elle peut aussi exprimer le rejet, le pouvoir ou la haine! Si l’enfant ne fait pas la différence, il aura plus de peine à se protéger d’un proche abuseur qui présentera ses gestes comme de l’amour.

Aborder la question des agressions sexuelles avec des petits n’est pas anodin. Quels moments choisir et quel message transmettre?
Vers l’âge de quatre ans. Lorsque l’enfant découvre son corps et se tripote, qu’il joue au docteur avec un petit copain, on peut dire: «C’est normal d’être curieux de son corps et de se comparer. Mais ces jeux ne doivent jamais se passer avec un grand, même de la famille.» Il faut trouver de l’audace pour parler à son enfant. Mais s’il sent de la gêne autour de ce sujet, il se taira aussi.

Pourquoi ne devrait-on jamais insister pour qu’un enfant donne un bisou, même à un proche?
Si on le force, on lui transmet la notion qu’il doit accéder à tout ce que les adultes demandent, qu’il s’attirera des ennuis s’il refuse. Il est libre de refuser la demande d’un adulte!

Selon vous, certains enfants sont plus vulnérables: en manque d’affection, mal informés ou issu dans un milieu fermé.
Les parents, la famille sont la première référence de l’enfant. Si la sexualité est un sujet tabou, confus, mystérieux à la maison, comment imaginer qu’il aura une parole libérée en cas d’abus? Un enfant qui se fait voler son vélo le dira. S’il est dérangé par un comportement, il doit pouvoir le verbaliser.

Selon vous, trop d’enfants ignorent l’interdit de l’inceste. Quid du pédiatre ou de l’école?
Il devrait y avoir une complémentarité entre la famille et les autres acteurs. Souvent, les familles évitent de parler d’inceste. C’est encore plus lourd si l’abus est nié ou si l’enfant est accusé.
Lorsque la parole de l’enfant est bien accueillie, le processus de guérison commence dès ce moment-là.

Un enfant peut-il trouver les ressources pour dénoncer un abus? Sinon, quels signes peuvent alerter?
Si l’enfant victime se sent seul, s’il n’est pas sûr d’être cru ou si l’agresseur le culpabilise ou le menace, ce sera très difficile. Il aura besoin que quelqu’un sente son mal-être. Un parent peut être attentif au comportement de son enfant (isolement, langage plus sexuel etc). L’enfant doit sentir qu’il y a une «oreille en forme de cœur» autour de lui et qu’il ne sera pas jugé ! Si l’enfant révèle tout de suite une agression, le plan de l’agresseur est saboté. C’est la raison pour laquelle les abuseurs insistent auprès de l’enfant que ce soit «leur secret». Ils vont lier l’enfant dans le secret qui aura plus de mal à le révéler.

Que conseillez-vous à un parent qui ressentirait un émoi sexuel au contact de son enfant?
De tout de suite aller consulter un psychothérapeute ou un sexologue. Ces émois ne signifient pas qu’il y aura passage à l’acte mais il faut chercher de l’aide. Et éviter les situations d’intimité avec l’enfant. Trouver sa fille jolie, oui, être excité érotiquement, non.

Propos recueillis par Sandrine Roulet

Magazine Family

Article tiré du numéro Family 1/20 Février – Avril 2020

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