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Ces conflits familiaux qui nous ont marqués

© Istock
Dis-moi comment tu te disputes et je te dirai qui tu es! Héritages ou valises encombrants... Chacun y va de sa métaphore pour nommer cet invisible fardeau qui accompagne un couple à son insu. Pour en sortir, conscience, guidance et bienveillance sont nécessaires. Un coach familial nous raconte. Décryptage.

Parfois, un seul détail peut provoquer une réac- tion disproportionnée», explique Paul Marsh, coordinateur du groupe Ressources pour la famille en Suisse romande. C’est ce qui est arrivé à cet homme reçu en rendez-vous. Chaque soir en rentrant du travail, ses affaires soigneusement rangées sont dépla- cées durant la journée. Intérieurement, la faute est reportée sur son épouse. La pensée finit par émerger. «Pourquoi ce fichu besoin de ranger?», marmonne-t-il. Pour le coach fa- milial, cette scène anodine témoigne de l’accumulation de crispations et de frustrations qui, par effet boule de neige, débouchent sur des disputes.

Une trace dans la mémoire

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Son thérapeute l’interroge: «Depuis combien de temps avez-vous ce type de réaction? D’où cela pourrait-il venir?» Et un début d’explication le ramènera à l’émotion provoquée par sa mère dont il a intégré les stratégies de sabotage et mises en  échec.  Des réminiscences qu’il  projette  à son tour sur les intentions de son épouse à travers cette situation de la vie quotidienne. «D’où vient la douleur?», interroge Paul Marsh. Les études le démontrent, l’influence de l’environnement familial ainsi que la gestion des émotions laissent une trace intrinsèque dans la mémoire individuelle et collective. «Un enfant qui a été témoin de violence familiale a une propension beaucoup plus élevée de la reproduire plus tard dans son propre couple», ajoute le spécialiste. «S’il espère que cela passe parce qu’au fond, ce n’est pas si grave, il se trompe. Il y a de la violence dans ce qu’ila vécu.» Les situations de guerre offrent le même parallèle.

Des baggages que l’on accumule

La science de la systémie permet une première approche d’analyse. Associée à l’étude de la personnalité de l’individu, elle permet de comprendre les enjeux des schémas latents derrière toLa science de la systémie permet une première approche d’analyse. Associée à l’étude de la personnalité de l’indi- vidu, elle permet de comprendre les enjeux des schémas latents derrière toute dispute. «Les couples se forment avec un certain bagage de vie. Les plus résilients sont ceux quis’engagent dans des conflits ouverts sans gravité parce qu’aumoins, ils sont visibles», ajoute-t-il. A contrario, les non-dits au sein d’un couple rongé par la colère par exemple sont des bombes à retardement, même en l’absence de conflits apparents. Point de hasard si deux conjoints sont attirés l’un par l’autre. Le thérapeute expliquera qu’ils portent chacun, inconsciemment en eux, un héritage et une influence communs. C’est ainsi qu’un couple formé sur ces bases s’est un jour retrouvé au cabinet du coach familial, sans solution, la communication rompue. «Ils en sont même arrivés à se déplacer dans deux voitures séparées», se souvient le conseiller conjugal.

Au-delà de la réaction défensive

Avant la recherche des pourquoi et origines diverses, Paul Marsh invite d’abord à l’apaisement. «On doit travailler à  la surface avant de faire ce qui est possible en profondeur. Un conjoint en conflit est un individu qui ressent que son identité est en danger. Son opposition est une réaction de défense», explique-t-il. Pour le coordinateur du groupe Ressources pour la Famille, une meilleure exploration de la relation doit avoir lieu avant le mariage grâce aux outils de la systémie: «Comment fonctionne votre famille? Commenty vit-on les conflits? Qu’est-ce qui est acceptable pour vous? Qui peut vous dire quoi et de quelle manière? Il est important d’en parler à ce moment-là. On pense parfois à tort qu’être identiques conduit à de meilleures relations mais pas forcément.» Et d’en revenir aux éléments déclencheurs. Les discussions argumentatives ou violentes n’arrivent pas par hasard. «Le comportement de cet homme qui rentre du travail en cherchant une chose sans la trouver n’est que le symptôme d’une problématique qui se joue ailleurs. La situation, en revanche, déclenche le problème. La colère peut monter inutilement et sortir de manière agressive.»

«La frustration de cet homme est apparue bien plus tôt et n’a fait qu’augmenter avec le temps. Les personnes qui ont involontairement appris à réprimer la confrontation ont bien plus de mal à l’exprimer plus tard lorsque cela devient nécessaire», indique Paul Marsh, en faisant référence à son premier exemple, cet homme qui se crispe en retrouvant sesa aires déplacées en rentrant du travail. A charge pour leconjoint et un accompagnant si besoin de comprendre sa recherche et de rentrer en contact avec lui. «Que cherches- tu?» «Puis-je t’aider?» sont des questions clés qui peuvent aider à désamorcer les tensions en fonction de l’élément dé- clencheur plutôt que de reprocher à l’autre son comporte- ment. Les dépendances telles que l’alcool ou autres sont desfacteurs aggravants des cas de violence ou de con its vécus de manière disproportionnelle. Toucher à la racine du problème devient nécessaire mais réclame aussi une certaine méthodologie. Si chaque thérapeute fait appel à sa propre approche, le conseiller soutient pour sa part veiller à abaisser les émotions de chacun en première intention.

Accepter qui nous sommes

Pour sortir du con it, le premier pas demeure la parole,insiste le coach familial. «Il est important d’expliquer et de partager assez rapidement ce qui est source de réaction avec des mots, sans les cacher, pour être entendu. Autrement, le conjoint pourrait recevoir la colère comme un reproche personnel. Si on y arrive, on réalise déjà un grand pas pour petit à petit remonter la trace de nos familles d’origine.» Un adulte résilient d’aujourd’hui est l’enfant d’hier qui a pu comprendre ce qui le distingue de ses parents et s’individualiser. Au quotidien, cet adulte vivra les désaccords defaçon plus apaisée, sans se sentir menacé dans une relation.«On accepte qui on est et qui est l’autre. Les couples qui y parviennent ont une meilleure chance de réussir leur rela-tion conjugale. Ils ont en quelque sorte traité la difficulté d’origine», soutient Paul Marsh.
Le coach familial reconnaît néanmoins combien prendre conscience de son propre fonctionnement est difficile, tant le seuil de résistance au changement, en période de conflit, est élevé. «Les conjoints sont sur la défensive», décrit-il. «Je commence d’abord par leur laisser de l’espace.» Lors du soutien thérapeutique, Paul Marsh insiste sur la nécessité pour chacun de se sentir aimé malgré ses faiblesses et ses lacunes. C’est ainsi que chaque conjoint parviendra à abais- ser ses barrières et à se remettre en question pour s’interroger sur sa gestion du con it et ses réactions.

Le conflit couché sur le papier

«Apprendre à faire une pause, écouter sans sur-interpréter, ne pas s’exprimer tout de suite, et reformuler par “est- ce que j’ai bien entendu?”», sont quelques-unes des pistes suggérées en cas de conflit. Il s’agira dès lors de quitter laposture de la plainte. «Votre conjoint peut être aimé et res-pecté, peu importe le conflit», défend-il.
Un regard extérieur est béné que. Dans ces situations, le génogramme est reconnu comme un outil efficace. Le thérapeute fonctionnera sur la base d’un schéma où les relations sont analysées sur plusieurs générations. Les personnes, les situations, les liens et les dates trouveront peu à peu un sens jusque-là ignoré. Cette représentation graphique reste un outil subjectif qui permet au thérapeute de mettre le doigt sur des fonctionnements et des liens précis de la structure familiale. Les événements marquants sont reliés au présent et à la charge émotionnelle. A partir de là, le thérapeute peut émettre des hypothèses et les couples revisiter certaines expériences pour une meilleure compréhension de leur histoire et aller vers un changement.

Un adulte résilient est l’enfant qui a pu comprendre ce qui le distingue de ses parents

Si le degré de répétitions varie d’un individu à un autre, à une plus ou moins grande échelle, celles-ci ne sont pasvouées à durer. Le chemin sera plus difficile pour certains que pour d’autres mais selon Paul Marsh, plusieurs facteurs seront déterminants: les informations d’origine, sa lecture des événements et la valeur propre que chacun a de lui-même. La bonne nouvelle reste que l’être humain n’est pas condamné à répéter son passé. La psychologue Anne Ancelin Schützenberger fera connaître durant toute sa carrière les bénéfices de la psychogénéalogie. Auteure et conférencière, elle aura réussi à initier un outil qui permette de parler de son passé – proche ou lointain – qui, une fois revisité, compris et digéré, se transmet plus paisiblement à ses enfants. Ces mêmes parents deviennent des adultes libérés de leurs emprises familiales, capables de donner le meilleur de leur histoire familiale et d’eux- mêmes. La conscience et les tabous levés, il devient alors possible de modifier un comportement pour vivre un pardon et une réconciliation menant à un chemin de guérison qui profitera à chacun des membres d’une famille et ce, pour des générations.

Family 1_2021
Magazine Family

Article tiré du numéro Family 1/21 Février – Avril 2021

Dossier: Disputes parentales
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